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04/09/2019

Le paradoxe des chirurgiens-dentistes libéraux

Paradoxe : « Être, chose ou fait qui parait défier la logique parce qu’il présente des aspects contradictoires ».
Dictionnaire Larousse.
Un paradoxe est quelque chose qui se compose de deux choses qui semblent opposées l’une à l’autre, alors que les deux sont vraies. Ainsi, d’une part, un cabinet dentaire a la vocation sociale de soigner tous les patients en sous-entendant que cela ne devrait pas dépendre de leurs moyens financiers. Son rôle est de prévenir et de traiter les pathologies dentaires pour le mieux-être de la population. Mais d’autre part, un cabinet privé doit faire face à des charges fixes et variables imposées par son fonctionnement et par les impôts et taxes de toutes sortes.
De plus le praticien pour faire vivre sa famille, doit dégager un salaire à la hauteur de son niveau de formation, des risques liés aux investissements, à ceux dus au management de personnel et enfin à sa responsabilité de chef d’entreprise. Ajoutons à cela le tabou de l’argent et ceci est clairement un paradoxe.
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La problématique posée par le règlement arbitral vient désormais aggraver ce paradoxe. Le praticien est écartelé entre son désir de réaliser les meilleurs soins possibles, au plus grand nombre de patients possible, au tarif le plus bas possible tout en faisant face à la contrainte financière et en respectant des règles contraignantes. Cela est de nature à créer une situation schizophrénique.
De plus, le cabinet dentaire ne peut être considéré comme une entreprise classique dans la mesure où il doit respecter l’éthique médicale. Dans une entreprise commerciale à but lucratif, les recettes sont l’unique objectif. Si le cabinet est considéré comme une entreprise classique, le risque est grand de voir apparaître une dérive commerciale. En effet, en quelque sorte, plus le patient présente de pathologies dentaires plus le revenu du cabinet sera élevé.
Aussi, de nombreux consultants se sont-ils focalisés uniquement sur la réalisation de traitements productifs. En tant que chirurgien-dentiste, cette idée est, à mes yeux, dépassée. En effet, et c’est l’un des côtés du paradoxe, en se focalisant sur la réalisation des traitements, on ne se concentre pas sur la prévention.
Par conséquent, à certains égards, l’accroissement des charges pour les cabinets favorise intrinsèquement le traitement des pathologies dentaires et non la prévention qui serait beaucoup moins coûteuse pour la Sécurité Sociale et les complémentaires de santé.
De l’autre côté du paradoxe, la prise en charge d’une réelle prévention en France est bien maigre. La prévention réduit le besoin de traitement et de restauration, réduisant par là même les recettes et rendant plus difficile la gestion du cabinet. C’est pourquoi, lorsque l’on parle de prévention il est nécessaire pour le cabinet de raisonner en termes de bénéfices et non plus de chiffre d’affaires.
En conséquence de quoi posons la question : « Et si il était possible de concilier ce qui semble être des contraires ? Si il était possible de faire face aux contraintes financières tout en développant la prévention ? ».
Certes, cela demande de nous d’acquérir des compétences en matière d’éducation, de communication et de pédagogie. Ceci dit, la profession, l’Etat, les complémentaires mais surtout les patients ont tout à y gagner. Cela représente sans aucun doute l’une des voies royales pour faire face aux challenges d’aujourd’hui.
Malheureusement, les praticiens n’aiment pas les paradoxes. La plupart d’entre nous préférons raisonner « blanc ou noir » ce qui nous empêche d’aborder les problèmes de façon globale. L’excès de confiance dans une vérité, cependant, nous rend vulnérable. En effet, nous pourrions nous accrocher à quelque chose de faux. Avoir systématiquement raison nous limite dans la saisie de nouvelles opportunités.
Cependant le futur arrive inévitablement. Et, la profession est en train de se réorganiser inexorablement à travers des formes différentes : La profession se féminise, de plus en plus de praticiens recherchent des carrières de salariés, il y a une diminution du nombre de cabinets solo et l’expansion rapide du nombre de cabinets de groupe, nous assistons à l’intrusion des réseaux de soins, la technologie révolutionne nos pratiques, Internet prend de plus en plus de place dans la vie de nos patients, en tant qu’employeurs nous devenons responsables de la santé de notre personnel, le nombre de normes ne cesse d’augmenter, et ainsi de suite.
Désormais, il va falloir dépasser le choix binaire consistant à choisir soit, d’un côté la qualité des traitements, la prévention et l’intérêt du patient soit de l’autre la gestion du cabinet. Apprenons à raisonner en termes de « ET » c’est-à-dire concilier qualité, intérêt du patient ET gestion du cabinet. Tels les rails qui permettent au train de rouler l’un ne peut plus aller sans l’autre. Ceux qui n’embrassent pas la prévention et l’excellence clinique au même titre que ceux qui refusent la contrainte de gestion se verront inévitablement dépassés. Ce n’est qu’en réconciliant ces deux contraires que nous pourrons dépasser le paradoxe de la pratique libérale.

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